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Opinions idiotes
8 avril 2008

MES INQUIETUDES, MES SUEURS FROIDES QUANT A L'AVENIR DE L'UNION EUROPEENNE

L'Europe avant l'Europe et la mondialisation d'avant la mondialisation

Que ferait-on en Europe sans l'Eurpe ? La Guerre, assurément. Sans l'Europe Unie nous serions tous en train de nous entretuer. La faute au nationalisme, pour sûr. Les rivalités économiques ne jouèrent aucun rôle dans le déclenchement des deux guerres mondiales. Il faudrait vraiment être un odieux révisionniste pour laisser entendre que capitalisme et concurrence libre et non faussée auraient entraîné le Vieux Continent à sa presque autodestruction. Le commerce comme chacun sait rapproche les hommes: c'est marqué dans les livres et les manuels scolaires. D'où la nécessité de libérer l'économie de ces entraves insupportables imposées par un nationalisme répugnant à coups de collectivisation partielle des moyens de production (comme les nationalisations d'après guerre), de socialisation partielle des revenus (la Sécurité sociale), de réglementations financières, de droit du travail, de fiscalité progressive redistributive et autres horreurs, archaïsmes et lèse-marchés qui désincitent à l'audace, à la libre entreprise et à l'initiative privée. Heureusement pour nos vils penchants populaciers, la Grande Europe Unie protège le commerce, étendant par voie de conséquence la Paix libérale aux sociétés entières.

Quelque monstre rappellera que la mondialisation du commerce était déjà bien avancée avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, plus que dans les années 1960 et 70 de sinistre mémoire (révoltes sociales, féminisme, grèves générales, régressions des inégalités de revenus, contestations des hiérarchies sociales et patrons terrorisés par leurs ouvriers). Les économies étaient largement interdépendantes avant 1914, le Made in Germany inondait l'Europe entière, les capitaux britanniques suscitaient le décollage économique de continents entiers (l'Amérique du Sud par exemple). Les échanges de biens et l'intégration des marchés financiers atteignaient leur apogée au terme d'un cycle d'une cinquantaine d'années qui avait accru comme jamais l'interdépendance des nations. Puis la Guerre survint qui brisa l'élan pour un nouveau cycle d'une cinquantaine d'années, au cours duquel la mondialisation capitaliste va quelque peu sommeiller. Notons que la Première Guerre mondiale n'a pas éclaté à cause de l'isolement autarcique de nations repliées sur elles-mêmes mais au moment même où leurs relations économiques et financières atteignaient une intensité jamais vue, cela dans une Europe dont les élites étaient probablement plus polyglottes qu'elles ne le sont aujourd'hui. Le libre commerce, la libre concurrence et la libre finance ne concoururent guère à rapprocher les peuples.

Mais il est possible que ce ne soit pas tant "les peuples" qui soient en cause dans le déclenchement de la guerre. Peut-être est-ce justement la conséquence de la mondialisation d'alors ? Peut-être est-ce parce que la mondialisation capitaliste repose sur l'exacerbation des rivalités nationales ? Dans un monde où les capitaux s'investissent de plus en plus librement, les Etats se trouvent entraînés dans une compétition pour attirer sur leur sol ce capital dont ils ont besoin pour assurer l'expansion de leur économie, cette expansion même attisant encore la compétition puisque, par définition, la compétition produit des vainqueurs et des vaincus mais des vainqueurs et des vaincus toujours précaires car le vainqueur du moment vit sous la menace permanente de perdre son statut avantageux, ce qui le contraint à se défier des autres et à les penser comme des ennemis, et le vaincu peut rêver que demain à son tour il vaincra ce qui alimente son agressivité.

Dans ce monde-là les peuples n'ont guère le choix: ils doivent se montrer solidaires de leurs Etats dans cette lutte. Les pauvres, dans la France actuelle, ont de bonnes raisons d'être malheureux ; il n'en demeure pas moins que, tout pauvres qu'ils sont, leur vie est bien meilleure que celle des pauvres en Roumanie, et celle de de ces derniers bien meilleure que celle des indigents cambodgiens, etc. C'est sans doute pourquoi l'appel à l'union des travailleurs par-delà les frontières échoue à dépasser le statut de simple slogan. Ainsi les travailleurs britanniques du début du vingtième siècle, même s'ils affrontaient les mêmes problèmes sociaux que leurs homologues allemands, avaient tout intérêt à ce que la Grande-Bretagne maintienne son rang de super-puissance mondiale au dessus du lot, contrôlant les mers et de ce fait le commerce mondial, super puissance que l'Allemagne avec son dynamisme et les ambitions qui l'accompagnaient mettait en danger. La misère effroyable subit par le peuple allemand dans les années qui ont suivi la Grande Guerre en atteste : la vie des exploités, si elle était des deux côtés de la Mer du Nord due au même système économique, était infiniment meilleur au sein du pays vainqueur que du pays vaincu. En régime capitaliste les esclaves sont généralement contraints par la force des choses à défendre leurs maîtres...

La compétition économique poussée à l'extrême mène les Etats sur le chemin de la guerre. Les peuples ne jouent aucun rôle dans l'affaire : ni dans le sens où le chauvinisme populacier excité en nationalisme conduirait à la guerre, ni dans le sens où la communauté internationale d'intérêts des travailleurs écrasés par un même système économique le conduit à vouloir et à défendre la paix. Les Etats d'ailleurs ne sont-ils pas eux-mêmes entraînés par une dynamique qui les dépasse ? Le comédien, sur la scène, peut jouer de telle ou telle manière, il n'est pas pour autant maître de la trame dramatique à laquelle il participe.


L'Europe unie dans la mondialisation contemporaine

Ces élucubrations me ramènent à notre belle Europe, à cette quintessence de la démocratie : la démocratie sans le peuple -on fait bien de la bière sans alcool et du café sans caféine. Que voit-on à l'oeuvre depuis l'Acte unique, dans notre belle Europe ? Que voit-on si ce n'est l'exaspération de la compétition entre les Etats de l'UE ? Que voit-on si ce n'est une concurrence libre et non faussée qui attise les rivalités entre les Etats ?

Existe-t-il ridicule plus grand que celui du grand Européen désespéré par le renouveau des égoïsmes nationaux ? N'est-ce pas cela, la complainte des grands Européens au sujet des méchants égoïsmes nationaux, qu'on entend après chaque sommet du Conseil européen, au cours de la négociation de chaque traité ou pendant la campagne de ratification dudit traité, c'est-à-dire à peu près tout le temps puisque depuis le fameux Acte unique nous sommes toujours soit en phase de négociation d'un traité européen soit en phase de ratification d'un traité européen ? Les Européens, ces Européens-là obsédés par l'Union, sont de grands candides. A moins qu'ils ne comprennent rien du monde qu'ils construisent, des idées qu'ils défendent, des mécanismes pervers qu'ils déclenchent. -Je dis la chose d'autant plus librement que moi-même j'étais, à mon petit niveau, très petit, de ces Européens béats et perclus ; je le fus jusqu'à la décision salvifique du président de la République Chirac de convoquer un référendum pour ratifier le Traité Constitutionnel Européen, référendum qui m'a conduit (je ne dois pas être le seul dans ce cas) à y regarder de plus près et à adopter une attitude non hostile mais critique à l'égard de la "construction européenne".- Car enfin, qui a bâti, édifié la vaste zone de libre concurrence qu'est devenue l'Europe si ce ne sont ces grands Européens-là ? Qui, en conséquence, est à l'origine de l'exacerbation des rivalités nationales au sein de l'Union ?

Les vilains égoïsmes nationaux que les gentils partisans de l'UE fustigent ne sont pas la conséquence d'un renouveau des nationalismes et d'un reflux de l'esprit communautaire mais le produit du processus européen lui-même. D'où l'absurdité qu'il y a à vouloir approfondir encore plus l'Europe car chaque nouvelle étape dans la voie de l'établissement de la Grande Concurrence contribue à affaiblir l'Europe puisque cette nouvelle étape, ce pas nouveau franchit vers l'intégration, attisera davantage la compétition entre les Etats, lesquels se verront ainsi de plus en plus placés devant la nécessité de défendre toujours plus férocement leurs intérêts face à des partenaires qui ne sont dans la réalité que des adversaires dans la guerre économique qui les opposent les uns aux autres.

L'acide qui corrode la belle mécanique de l'Union européenne n'est pas la prétendue résurgence du nationalisme mais la propre pensée européiste.

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