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Opinions idiotes
16 avril 2008

VIVE LA FLAT TAX QUI SAUVE LA SECURITE SOCIALE

La flat tax est une expression barbare désignant une ‘innovation’ tout aussi barbare, puisque il s’agit d’un impôt à taux unique sur les revenus, taxant donc chacun au même taux quelque soit son niveau de revenus. En Europe la Slovaquie et surtout la Russie utilise ce modèle d’imposition des revenus. Concernant un pays comme la Russie où l’impôt progressif sur le revenu n’était plus acquitté que par les pauvres, les riches s’arrangeant pour frauder le fisc ou transférer leur argent à l’étranger, la création de la flat tax peut être considéré comme un progrès, même si elle est injuste. Si l’Etat n’a pas la force de prélever un impôt progressif taxant plus lourdement les hauts revenus et que ces derniers lui échappent intégralement, la raison plaide pour l’instauration d’un impôt à taux unique nécessairement bas, pour ne pas obérer les bas revenus, et pour inciter les fortunés à verser un peu de leurs hauts, voire très hauts, revenus à l’Etat plutôt que d’envoyer leur fortune à l’étranger. Pour cynique que cette mesure paraisse elle n’en constitue pas moins un accommodement raisonnable qui porte ses fruits, en Russie en tout cas, puisque le prélèvement de l’impôt par le fisc russe a progressé suite à cette réforme. Sur le long terme il est probable que cette flat tax permettra de rétablir un système progressif au fur et à mesure que l’Etat gagnera en force et en efficacité grâce à l’accroissement du revenu fiscal induit par la flat tax. Paradoxalement, l’injustice de la réforme de la fiscalité russe peut être considérée comme progressiste.

Il n’en est pas de même en Europe où les Etats fonctionnent, sont stables politiquement et disposent d’administrations aptes à prélever les impôts, cotisations et autres contributions. Certes, aucun Etat européen, hormis la République de Slovaquie, n’a formellement instauré la flat tax mais tous tendent à diminuer le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu ; ainsi n’y-a-t-il plus en France que quatre tranches, ainsi lors de la dernière campagne législative polonaise voyait-on les conservateurs libéraux (les vilains jumeaux Kaczynski anti-européens) proposer le passage de quatre à trois tranches pendant que leurs opposants libéraux conservateurs (le gentil Donald Tusk proeuropéen) préconisaient carrément la réduction à deux du nombre des tranches de l’impôt sur le revenu, ce qui nous rapproche de la flat tax. Ces courageuses réformes menées d’un bout à l’autre de l’Europe n’ayant aucune relation avec les politiques de l’Union, tellement soucieuses du bien-être général. Aucun Etat européen n’applique un impôt sur le revenu qu’il appelle flat tax, hormis la Slovaquie donc, hormis la France également. Mais où s’est donc nichée cette flat tax à la française et d’abord comment se nomme-t-elle ?

C’est qu’elle est une toute petite chose, notre flat tax, à l’origine du moins parce qu’au fil des années et des changements de majorité politique la petite bête monte, monte, monte. C’est une petite bête anodine qu’on ne perçoit même pas. C’est une petite araignée nichée dans quelque anfractuosité invisible à l’œil humain et qui vaque, la nuit, se faufile sous les draps et délivre au dormeur quelques menues piqûres dont il ne prendra conscience qu’à son réveil. Notre petite flat tax à nous ne s’appelle pas flat tax sinon les gens protesteraient contre le gouvernement réactionnaire qui utiliserait cette source de revenu ; notre petite flat tax qui monte, monte, monte a nom Contribution Sociale Généralisée. Voilà qui en jette ! Et prélevée à la source, la petite bête, qu’on n’a même pas le temps de nous en rendre compte sur notre compte en banque que cet impôt à taux unique sur le revenu est déjà parti dans les poches de l’Etat ! Impressionnante l’entourloupe ! il fallait oser, ‘sauver les comptes sociaux’ du pays à l’aide d’un procédé qui fleure bon son Ancien Régime, car ce n’est pas à la portée de tout le monde de réussir le tour de force de justifier une innovation fiscale violemment injuste et franchement réactionnaire au nom du sauvetage de la Sécurité sociale dont le but est à l’exact opposé de celui de la ‘CSG/flat tax’ : redistribuer le revenu national afin d’atténuer les inégalités produites par l’économie capitaliste et non veiller à ce que ceux qui ont déjà beaucoup aient toujours beaucoup.

Pour notre malheur, la CSG ayant échoué à équilibrer les comptes sociaux, il a fallu se résoudre à de difficiles réformes, pour ‘sauver la Sécu’. Ce à quoi des méchants gouvernements de droite combattus par le Parti socialiste se sont attelés. Mais rendons à César ce qui appartient à César, aux socialistes ce qui appartient aux socialistes. En effet ce ne sont pas les tout méchants de droite qui ont instauré la flat tax française mais un certain gouvernement socialiste dirigé par un certain, je crois, Michel Rocard —le socialiste qui traitait les partisans du ‘Non’ au Traité constitutionnel européen d’analphabètes…Ainsi le premier gouvernement, bien avant ceux de Russie et de Slovaquie, à avoir commencé son saint œuvre de restauration de la fiscalité d’Ancien Régime agissait sous la présidence d’un certain François Mitterrand, sous le contrôle d’une Assemblée où la majorité des députés cotisaient à une organisation de gauche dénommée Parti socialiste. Mais c’était pour sauver la Sécu, comme le gouvernement actuel quand il rêve de transférer intégralement la prise en charge des lunettes, et pourquoi pas des soins dentaires, de la Sécurité sociale aux assurances complémentaires, pour commencer. La rhétorique est toujours la même, au PS comme à l’UMP, de là à dire que l’opposition à laquelle se livrent ces deux partis est un jeu de dupe il y a un pas qu’il serait très malséant de franchir.

Très malséant mais très tentant. Prenons le cas des retraites qu’il faut à tout prix sauver. Pour ce faire on n’ira pas par quatre chemins pour signifier son opposition à la casse de la Sécurité sociale. Ainsi quand le gouvernement tout méchant d’Edouard Balladur porte le nombre d’annuités ouvrant droit à une retraite à taux plein à 40 au lieu de 37,5, le PS exprime son mécontentement ; quand, en plus, le smyrniote décide que les pensions ne seront plus calculées en fonction des dix meilleures années mais des vingt-cinq, de sorte à faire baisser le montant des retraites, le PS gronde ; quand, de surcroît, le vampire décrète l’indexation des pensions sur l’inflation plutôt que sur la hausse des salaires, conduisant là encore les retraites à une baisse insidieuse, le PS fulmine. On ne plaisante pas avec la justice sociale, quand on est socialiste. C’est la raison pour laquelle, durant les cinq années où les socialistes ont gouverné la France, entre 1997 et 2002, ils ont entériné la réforme Balladur dont le principe général consiste donc à dégrader le niveau de vie des retraités, lentement mais sûrement, pour ‘sauver les retraites’ bien sûr. C’est encore la raison pour laquelle ils ont négocié et signé les accords de Barcelone qui prône 45 annuités pour ouvrir droit à la retraite et un départ en retraite repoussé le plus tard possible, 65 ans, 67 ans, 70 ans, afin de rapprocher le plus possible le départ en retraite de l’âge moyen auquel les ouvriers meurent. Les accords de Barcelone furent signés quelques jours avant que les ouvriers français renvoient le candidat à la présidence de la République Jospin à ces ruminations rétaises. A défaut d’un sens de la justice sociale reconnaissons aux socialistes un sens inné du timing ! 

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Commentaires
G
À Opinions idiotes, commentaire idiot : Vous dites tout ce qu'il y a à dire, vous faites si bien le tour de la question, vous êtes si complet qu'on ne peut qu'admirer et... passer son chemin, à moins de posséder à un haut degré l'esprit de contradiction. Autrement dit, il reste peu de place pour la discussion.
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