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Opinions idiotes
14 février 2008

Panurge, Mithridate et Tartuffe, première partie

Les moutons de Panurge ont viré carnivores

Les grands patrons, qui dirigent les cent plus grandes entreprises françaises, sont des êtres d'un talent exceptionnel; la mondialisation permet aux hommes de génie de sauter par-dessus les frontières, il est donc légitime et nécessaire de satisfaire les revendications sociales de la caste grand-patronale: voilà les arguments qu'opposent Laurence Parisot (http://jt.france2.fr/20h/index-fr.php?jt=1 : neuvième sujet) aux fâcheux qui s'offusquent du niveau vertigineux qu'atteignent désormais les rétributions des demi-dieux qui président aux destinées des multinationales. L'argument massue cloue le bec à l'intervieweur évanescent: la situation est la même dans les autres pays européens.

Ainsi donc il est légitime qu'un super patron gagne jusqu'à dix millions d'euros en une année, en raison de l'excellence du travail accompli. Dix millions, voilà qui représente 830 mille euros par mois, soit, en comptant deux cents heures de labeur mensuel, 4 150 euros de l'heure, ou encore 70 euros la minute, à peu près 1 euro la seconde. La journée d'un smicard lui rapportant autour de cinquante euros, cela signifie que, selon le raisonnement de madame Parisot, un président de grande entreprise crée autant de richesses toutes les cinquante secondes qu'une caissière ou une vendeuse en une journée entière de travail. 

Ma cervelle de moineau peut comprendre, au risque d'une congestion mortelle, que présider une grande entreprise nécessite des qualités et des compétences autrement supérieures à celles mises en oeuvre par le blogueur de céans. Mais personne ne peut croire que le super patron participe mille fois plus qu'un smicard à la création de richesse. Qu'un écart de rémunération soit de l'ordre de un à deux, de un à trois, voire de un à cinq, peut se concevoir: l'ingénieur participe peut-être davantage au bon fonctionnement de la machine que le technicien, par l'étendue de ses connaissances et leur spécificité, et peut-être cela justifie-t-il que celui-là soit mieux payé que celui-ci; idem pour la relation du technicien à l'ouvrier. Ce qui est certain c'est que nul n'est capable de démontrer qu'objectivement et effectivement le super patron participe mille fois plus que l'ouvrier spécialisé à la bonne marche de l'entreprise. Comme l'avoue implicitement la patronne des patrons il n'existe aucun instrument scientifique afin d'estimer les participations respectives du super patron et du smicard à l'enrichissement de l'entreprise.

L'ouverture des frontières permet aux génies qui dirigent les grandes entreprises de France de partir exercer leurs talents pour le compte d'entreprises étrangères. Cyniquement on s'inclinera devant la crainte de voir ces surhommes véritables aller s'employer à la prospérité britannique ou allemande. Car sans eux, l'économie française s'effondrera faute de conducators compétents. Et le smicard deviendra chômeur, autant dire qu'il sombrera dans l'indigence tant la richesse nationale aura fondu jusqu'à entraîner la faillite de la Sécurité sociale et de l'Etat. Ainsi donc il est établi que le smicard a intérêt à ce que son patron gagne mille fois son salaire, même si rien ne justifie un tel écart. Le cynisme un peu simple de madame Parisot est assez peu convaincant. Il ne semble pas, en effet, que la caste grand-patronale française suscite la convoitise du reste du monde, contrairement aux ingénieurs et scientifiques français qui rencontrent un succès grandissant hors nos frontières ouvertes. Par ailleurs, rien ne prouve que le nombre d'individus aptes à présider une grande entreprise soit aussi restreint que l'affirme candidement la philosophe du Medef. Nos surhommes sont-ils tels en raison de leurs qualités individuelles, tellement rares bien sûr, ou simplement parce que les élites économiques françaises forment un petit milieu pratiquant le protectionnisme social, un petit milieu clos sur lui-même et solidaire interdisant l'entrée aux talentueux qui n'ont pas la carte ? L'esprit de caste des élites économiques, empêchant la concurrence dans l'accès aux hautes fonctions qu'elles accaparent, n'est-ce pas justement cela qui leur permet de s'octroyer des rétributions extravagantes ?

Reste le panurgisme européen en vogue. Les patrons français ne font que se mettre au niveau de leurs homologues européens, quoi de plus normal ? Qu'opposer à une telle puissance de feu ? Oserai-je pointer la contradiction qu'il y a à, d'abord, affirmer avec force que les augmentations royales de nos grands patrons sont liées uniquement à leurs qualités individuelles et qu'on doit surtout éviter qu'ils ne s'expatrient dans l'intérêt supérieur de la nation, pour finir par expliquer qu'en fait ils sont tout simplement comme tous les grands patrons. Cela dit, si tous les patrons européens se valent que nous importe que nos surhommes se barrent en Allemagne: le nombre de grandes entreprises européennes étant à peu près stables d'une année sur l'autre, si les surhommes français vont piquer leur place aux surhommes teutons, ces derniers traverseront le Rhin en sens inverse; comme madame Parisot affirme que les super patrons français ont la même valeur que les super patrons allemands, nous n'y perdrons rien au change. De sorte qu'au bout du compte, dans une perspective européenne, l'argument panurgique se retourne contre son utilisateur et permet d'envisager finalement une baisse drastique des rémunérations des dirigeants des entreprises européennes: s'ils sont interchangeables à l'infini, les super patrons européens, il n'y a plus de concurrence.


La vérité sort de la bouche des enfants

A entendre l'argumentaire de la fille Parisot, héritière des entreprises de papa, il semblerait que rien ne distingue un grand patron d'un mafieux ou d'un truand. L'argent ! L'argent ! L'argent ! Voilà leur seul et unique carburant. La bourse ou la vie ! Voilà leur seul argument, aussi nul que pathétique.

Les grands patrons sont des Tony Montana en costards-cravates. A la différence toutefois que la République et l'Europe envoient les seconds en prison (ce en quoi elles ont bien raison) alors qu'elles protègent les premiers -je me demande bien pourquoi...

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